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Le stage d'été 2013 à Sodo


Avec Pascale DELAGNES et Damien CAMPION dans le village de SODO au TOGO

"Si tu ne sais pas où tu vas, retournes d'où tu viens". (Proverbe togolais)

"Partir au Togo, c'était avant tout retourner sur la terre sur laquelle j'ai appris à marcher, il y a maintenant 35 ans. Depuis toujours je rêvais de retrouver les sons, les couleurs, les odeurs, la terre rouge de mon enfance. Mais je voulais surtout y retrouver Fidèle, ma "maman togolaise", qui a veillé sur moi pendant mes 4 premières années, aux côtés de "ma mère". Akoua-Pascale.

Lorsque nous avons décidé de partir, nous avons réfléchi à un moyen d'apporter quelque chose là-bas, notre petite pierre, parce que ce qu'on aime dans le voyage, c'est le partage et l'échange. Puisque nous sommes musiciens et que la musique est un langage universel, nous avons pris contact avec Mawulolo Klugan et son association Musique-Événements.

C'est Mawulolo qui nous permis de recréer le lien avec Fidèle. "J'ai retrouvé ma "maman togolaise", mon prénom togolais, la maison qui m'a vu grandir, la mer et le sable qui ont été mon premier contact avec le monde que j'aime, et les cocotiers dont je rêvais depuis si longtemps. J'ai retrouvé un bout de mes racines".

Après 3 ans d'échanges, de réflexion et de préparation, nous avons convenu d'organiser un atelier de musique et d'écriture dans le village de Sodo au Togo. Nous amenions notre enthousiasme et des outils musicaux, et en échange nous étions accueillis au coeur même d'un village, d'une famille, d'une culture. Lors de ce stage, un groupe de 8 participants seraient invités à venir travailler l'écriture de textes (chansons, poésies, contes ...) et un autre groupe, de 8 musiciens, à apprendre la composition et l'improvisation afin de créer ensemble un accompagnement pour ces textes.

Dès notre arrivée à Lomé à 5h du matin, le ton était donné: Damien a dû déballer sa contrebasse dans l'aéroport pour jouer un petit morceau aux douaniers qui certainement découvraient l'instrument pour la première fois. Ensuite, nous avons reçu le chaleureux accueil de Guy Likem Togboga, avec les présentations à la togolaise et sodabi (les deux pieds dedans). Puis, après une rapide visite de Lomé, nous sommes partis le lendemain pour Sodo, tout s'est passé très vite.

Nous allions enfin rencontrer pour la première fois nos stagiaires. Nous étions emplis d'un sentiment partagé entre l'impatience, la joie et la crainte de savoir si ce que nous avions préparé serait suffisant. Nous avions prévu 16 participants entre 15 et 25 ans, ils étaient 50 à nous attendre ce jour là, incluant les petits frères et les petites soeurs, les professeurs de musique, les chefs de choeurs, la chorale, des musiciens des villages avoisinant ...

Chacun a exprimé des envies particulières et à leur demande, en plus de l'écriture et de la composition, les matières enseignées se sont diversifiées: chant, harmonie, solfège, chorale, rythme ...

Nous avions prévu que les participants seraient présents pour la journée. Nous avions donc pensé pouvoir répartir les cours de cette manière : un peu de théorie le matin, cours pratique l'après-midi, quelques jours pour apprendre à se connaître, quelques jours pour écrire et composer, quelques jours pour préparer le spectacle de fin de stage.

Sur place il nous a fallu nous adapter à la réalité et revoir notre emploi du temps. Il y avait beaucoup plus de participants que prévu, ils voulaient apprendre beaucoup de choses différentes et leur temps de disponibilité était réduit, la plupart des participants devaient travailler aux champs ou vivaient dans d'autres villages.

Assez vite, après avoir tenu compte des disponibilités de chacun, un premier horaire de travail s'est mis en place.

Comme la plupart des participants n'étaient pas libres durant la matinée, nous avons décidé d'inclure un groupe d'une trentaine d'enfants plus jeunes, qui eux étaient libres.

L'après-midi, il y avait deux classes de solfège réparties par niveau, puis après, deux autres classes, une de chant-écriture et une de musique.

Il a fallu plusieurs jours pour que le nombre de participants et les cours auxquels ils voulaient assister, se stabilise. Certains groupes ont perdu des élèves, d'autre en ont gagné. La fanfare est passée de 20 élèves le premier jour (qu'il a fallu diviser en deux fanfares de 10) à 4 élèves au bout de 4 jours. Les enfants ont voulu participer à la classe de solfège. Certaines personnes voulaient à la fois écrire et chanter et jouer dans la fanfare ce qui n'était pas possible pratiquement. Et puis après il y a aussi eu les retards, les absences, les imprévus, la pluie, un décès, une fête, un élève puni qui n'a plus le droit de participer aux ateliers, etc. Et puis, comme on dit là-bas: "En Europe, vous avez des montres, nous nous avons le temps!".

Nous avons très vite constaté que les besoins sont immenses: Manque de financements, peu de matériel sur place (il y avait 5 instruments disponibles pour les 10 musiciens de notre fanfare) et souvent de mauvaise qualité ou abîmé (instruments, micros, câbles...), manque de confiance, manque de professeurs et d'écoles, manque de formation, manque de luthiers, manque de reconnaissance et de valorisation du patrimoine culturel.

La condition de la culture au Togo, la place qui est réservée à la musique et à son apprentissage et la perte de son patrimoine culturel sont assez alarmants. Malgré cela nous avons pu constater la ferveur, la motivation et la facilité avec laquelle les togolais de tous âges peuvent exprimer, au travers par exemple de la musique, leurs sentiments, leurs passions ou décrire les choses qui les entourent avec un regard qui leur est propre. Lors du stage, en plus de leurs créations, les participants ont aussi exprimé le désir de raconter et d'enregistrer des contes, des histoires et des chants traditionnels, pour qu'ils ne soient pas un jour oubliés. Les togolais, des choses à dire, ils en ont, le tout et de valoriser les vecteurs de communication qui sont à leur disposition, musique, littérature, cinéma, contes ...

Le résultat de ces ateliers a été présenté sur la place publique du village, un spectacle mélangeant contes, musique, improvisation ... où chacun a été amené à apporter sa collaboration et lors duquel tous les habitants étaient "en joie" de voir les jeunes s'exprimer, ramenant par la même occasion la musique et la fête sur la place du village. Nous avons rêvé que nous partions jouer sur les places des villages de la région avec les enfants, les jeunes, pour réveiller les arbres à palabres, les imaginaires collectifs, les mémoires des anciens, réveiller l'envie et la motivation de se réunir pour chanter, échanger, célébrer la vie à ciel ouvert !

Nous avons aussi pu réaliser de nombreux enregistrements de notre travail avec les stagiaires, mais aussi des chants, des contes et des histoires du village, les chansons des enfants du quartier. Le salon de Kokou Klutse est devenu notre "Studio Sodo" pendant notre séjour, ouvert jour et nuit ; sa terrasse un espace de palabre éclairé à la bougie et un lieu de fête et le lieu d'où les enfants passaient le nez à la fenêtre pour regarder, rire, chanter, commenter, nous appeler dès le petit matin.

Nous avons terminé notre séjour par l'enregistrement d'une discussion très intéressante sur la place réservée à la musique au Togo avec Guy Likem Togboga et Mawulolo Kossi Klugan.

Le peu de temps passé sur place n'aura permis que d'entamer un processus qui devra continuer à se développer, aussi bien dans un échange comme celui que nous avons vécu, que sur place avec des togolais qui peuvent soutenir des projets de formation et de diffusion de la culture.

Nous nous sommes très bien débrouillé dans le village de Sodo, mais il aurait été et serait plus profitable que quelqu'un du village ou des environs soit là pour soutenir les projets et leur permettre de perdurer après les ateliers. Il faudrait aussi pouvoir sensibiliser les jeunes au travail régulier de leur instrument. La musique peut devenir, si elle est pratiquée quotidiennement et avec implication, un atout social, éducatif, économique. Elle apprend le travail en groupe, le respect et l'estime de soi et des autres, elle favorise la concentration et améliore les résultats scolaires ... Et elle amène la joie !

On ne voudrait pas oublier Guy, "notre Roi", qui nous a chaleureusement hébergé et guidé à Lomé, permis de rencontrer des musiciens et faire quelques concerts, Nadine et sa douceur, et ses autres amis avec lesquels nous avons échangé des idées poétiques, politiques, et des rires à n'en plus finir, sous l'apatam de son jardin. Et notre chauffeur Angelo Amouklou qui nous a guidé et transporté partout pendant notre séjour.

Nous ressentons notre séjour au Togo comme un très beau cadeau.

Merci à Mawulolo

Damien-Kokou et Pascale-Akoua

http://www.pascaledelagnes.com
http://www.damiencampion.com